SOS-Racisme
aime Rosie et Rosie aime la France
Avec une nouvelle campagne d'affichage dont l'égérie
est ravissante, SOS-Racisme choisit de se battre pour l'« intégration
républicaine ».
Rosie est « belle et fière » comme Jessye
Norman chantant La Marseillaise place de la Concorde lors du bicentenaire
de la Révolution française: cette Marianne de la République
multiraciale est mexicaine et vit à Paris. C'est sur ce visage
photographié par Gilles Durupt que repose la nouvelle campagne
de SOS-Racisme : 800 panneaux en région parisienne, d'aujourd'hui
jusqu'au 9 juin, qui marquent sans doute un tournant dans la stratégie
de l'organisation antiraciste.
Après avoir badgé la France de 1985 avec « Touche
pas à mon pote », SOS abandonne le chemin du droit
à la différence pour celui, plus pragmatique, de l'intégration
républicaine. Rosie aime la France et ses principes universels : « La France n'est pas une race mais une nation » – est-il écrit dans la brochure – donc « on
aime tous le même pays et on veut pouvoir y vivre ensemble ».
C'est qu'en cinq ans, SOS a connu quelques désenchantements.
L'affaire du foulard a révélé toutes les résistances
de la société française, y compris de l'opinion
de gauche, vis-à-vis de l'intégration. La recherche
d'un consensus avec l'opposition en matière de politique d'immigration
a quelque peu refroidi les relations entre SOS et le PS.
Revenue à plus d'autonomie, l'organisation antiraciste met
aujourd'hui sur le même plan les droits et les devoirs et appelle
citoyens et hommes politiques à relever le défi de l'intégration.
S.P.
Libération - 31 mai 1990
SOS-Racisme
s'offre une Marianne
Le mouvement a lancé, depuis hier, une nouvelle campagne
sur le thème de l'intégration.
Une main posée sur la hanche, altière et sensuelle,
Rosie la Mexicaine s'affiche depuis hier – et jusqu'au 9 juin
– sur 800 panneaux de Paris et de la région parisienne.
La jeune femme a été choisie comme allégorie
de Marianne par SOS-Racisme. Une Marianne des années 90, celle
d'une France multiraciale, relevant le défi de l'intégration. « On aime tous le même pays », dit joliment
le slogan qui l'accompagne.
L'idée de cette nouvelle campagne du mouvement d'Harlem Désir
a germé lors du dernier congrès de SOS-Racisme, le 30
avril dernier. Déjà, en toile de fond, il y avait ce
panneau : « On a tous le même pays. » Harlem
Désir et Jacques Pilhan, le patron de l'agence Temps public,
mais aussi le conseiller image du président de la République
qui travaille bénévolement pour SOS-Racisme depuis sa
création en automne 1984, ont décidé de passer
à une deuxième étape. « La France ne
gagnera pas contre ses immigrés, mais avec eux, affirme
Harlem Désir. Nous avons donc voulu faire une campagne positive
autour de ce thème, qui soit à la fois un appel aux
citoyens et aux hommes politiques. » Jacques Pilhan renchérit : « Il fallait également donner une approche plus affective
de SOS. Sortir de son côté moralisateur. » D'où
l'affiche avec Rosie.
Gratuitement
SOS n'a d'ailleurs pas inscrit son nom au bas de l'affiche, mais a
simplement signé avec son sigle : la petite main des potes.
Qui, pour l'occasion, a troqué sa teinte jaune pour de nombreuses
touches de couleur, façon palette de peinture. Et s'est arrondie. « Pour mieux coller à notre message, porteur d'espoir,
de dynamisme. Cette Marianne aime la France et ses principes universels »,
souligne Harlem Désir.
Gilles Durupt, le photographe, a travaillé gratuitement ainsi
que le superbe mannequin mexicain. Tout comme l'agence Temps public
de Jacques Pilhan. Les grands afficheurs et l'imprimeur ont offert
les prix les plus bas. Le coût total de l'opération –
800 000 francs – sera inclus dans le budget de la fête
de SOS-Racisme, le 9 juin. La troisième étape de cette
campagne aura lieu cet été. Mais « sur le terrain »,
comme le souligne Harlem Désir, le fondateur du mouvement.
Isabelle
Nataf.
Le Figaro - 01 juin 1990